Portrait d'un game designer, Vannara Ty
Vannara Ty, game designer depuis plus de quinze ans, a bien voulu répondre à nos questions sur son métier. Bienvenue dans la Série des Portraits de Creajol !
" Dans ce métier, il faut aussi savoir rebondir très vite, car une idée qui marche très bien sur le papier ne marche peut-être pas aussi bien une fois codée. C’est là que ça devient très excitant car ça devient comme du lego, on démonte ce qui ne marche pas et il faut le remonter sans tout briser car il y a des gens qui ont travaillé dur dessus. "
Creajol : Bonjour, merci de nous accorder ces quelques pensées !
Bonjour, merci de les lire et qui sait, de les apprécier peut-être. :)
Creajol : Qui es tu ?
Vannara Ty, concepteur de jeu vidéo, prof dans un campus, dessinateur de B.D et aquarelliste.
Creajol : En quoi consiste ton métier ?
Faire en sorte que les joueurs ne décrochent pas des jeux vidéo et accessoirement rendre fous les parents. :)
Plus sérieusement, on pense souvent à tort qu’un concepteur de jeu passe son temps à jouer mais mon travail consiste surtout à pondre des documentations pour l’équipe de développement. Celles-ci doivent être simples et plaisantes à lire, le plus dur étant de faire partager ma vision du jeu à toute l’équipe car on sait bien que si 15 personnes lisent la même doc, il y aura 15 visions différentes. Pour palier à cela, j’essaie de mettre le plus de dessins explicatifs possible, de schémas ou de tableaux, une image valant mille mots comme on dit. Il faut aussi être à l’écoute de l’équipe et être assez souple pour accepter les changements.
Au début, j’imagine le jeu pour moi (oui c’est assez égoïste, je l’avoue) après, je le présente à l’équipe de développement, au producteur, au licenceur. À partir de ce moment, le jeu ne « m’appartient » plus, ça devient quelque chose de collectif.
Dans ce métier, il faut aussi savoir rebondir très vite, car une idée qui marche très bien sur le papier ne marche peut-être pas aussi bien une fois codée. C’est là que ça devient très excitant car ça devient comme du lego, on démonte ce qui ne marche pas et il faut le remonter sans tout briser car il y a des gens qui ont travaillé dur dessus.
Un des moments fort, c’est quand je récupère le jeu pour la première fois. J’avais les images dans ma tête au moment ou je l’ai imaginé et maintenant il est devant moi et je dois le régler pour qu’il soit agréable à jouer, c’est comme un réalisateur de film qui se retrouve à monter son film pour lui donner du rythme.
Creajol : Est ce qu'il s'agit d'une passion ?
Oui sans l’ombre d’un doute, même s’il a l’air très ludique, c’est un métier très demandant. C’est parfois dur de décrocher car on y pense tout le temps, je prends des notes partout c’est comme une drogue. Faire ce métier sans être passionné, il faut être masochiste, peut être qu’il y en a. :)
Creajol : Professionnellement, quel est ton plus grand souhait ?
Savoir s’arrêter à temps, c’est assez paradoxal de dire ça mais quand on a la tête dans le guidon, on perd facilement les repères et ça peut déraper très vite. Quand j’ai commencé dans le métier, c’était clair dans ma tête que je ne ferais pas ça toute ma vie. 15 ans après, je suis toujours dedans, j’ai encore des choses à apprendre et j’ai encore envie de faire des jeux que je n’ai pas encore fait, il faut que ca reste un plaisir.
Creajol : Que dirais-tu aux gens qui rêvent de travailler dans le milieu ?
Voici 3 questions à se poser avant de s’engager dans ce métier. Si tu as 3 OUI, ce métier est fait pour toi. Si tu as un seul NON, deviens fonctionnaire. :)
- Es-tu prêt à préférer ton boulot à ta copine (ou copain) ?
- Es-tu prêt à manger de la pizza et boire des boissons gazeuses pendant 3 à 6 mois par an ?
- Aimes-tu tant ton boulot que tu vas rentrer tous les week-ends s’il le faut ?
Voilà, je viens de décourager 90% d’entre vous. :) Honnêtement, je ne souhaite à personne de vivre ces 3 conditions mais il faut être conscient que cela peut arriver. Un projet peut déraper très vite s’il est mal géré. L’industrie du jeu vidéo est un monde très attirant, on y vit de fabuleuses aventures, des succès, des échecs. Comme dans toutes choses, il ya les bons et les mauvais côtés. À vous de vous trouver dans cette industrie en constante évolution. Soyez rigoureux dans votre travail, respectez les gens qui travaillent avec vous et écoutez ce qu’ils ont à dire. Soyez souple et surtout OSEZ !
Creajol : Qu'est ce qui t'inspire ?
Tout et n’importe quoi, j’aime m’ouvrir au monde qui m’entoure, je suis une vraie éponge, j’absorbe tout, le digère et le recrache. Il faut regarder large pour donner de la richesse à ses idées. Quand on demande à un concepteur de jeu d’imaginer un jeu de voiture, son premier réflexe est de reprendre le dernier jeu de voiture qu’il a beaucoup aimé, de l’adapter à la licence et de rajouter quelques éléments, je trouve cela dommage et réducteur car ça ne pas avancer le game design mais parfois c’est ce qu’on leur demande afin de minimiser les risques pour être sur d’en vendre des wagons.
Creajol : Comment est ce que tu crées ?
Souvent, je fais totalement autre chose, je dessine, je note les idées, les mots, les images qui arrivent, après je classe tout ça. Parfois, rien ne vient, à ce moment, je vais chercher mes « fonds de sauce » dans un bol. C’est des petits papiers où sont notées des mécaniques de jeu très simple que tout le monde connaît. Ça ne réinvente pas la roue mais ça fait la job comme on dit. La création, ça ne se commande pas, tu ne peux pas arriver tous les matins et te dire que tu vas avoir 5 super idées dans la journée.
Creajol : Quels sont tes meilleurs outils de travail ?
Mon Itouch qui ne me quitte jamais, mon bic noir avec le bout tout mâchouillé et mon calepin.
Creajol : Comment es tu entré dans l'industrie du jeu vidéo ?
Un peu par hasard et avec beaucoup de bol. En 95, je regardais une émission sur les jeux vidéo qui passait sur M6. Dans une émission, il y avait une annonce d’un studio qui cherchait des personnes motivées pour un stage de game-design pouvant déboucher sur une embauche. Je n’avais aucune idée de ce qu’était un game designer mais je jouais énormément aux jeux vidéo. Les pré-requis pour le stage : Une lettre de motivation, savoir dessiner et avoir une grande culture des jeux vidéo. J’ai envoyé ma lettre et j’ai été retenu avec 20 autres personnes parmi les quelques 800 candidatures reçues.
On a passé un stage de 4 jours pour apprendre les rudiments du métier, à l’époque tout se faisait sur papier quadrillé. Une fois le stage fini, je leur ai envoyé un rapport de stage. En le relisant, je trouvais ça trop sérieux alors j’ai égayé un peu tout ça avec des dessins humoristiques. Quelques semaines après j’ai reçu un coup de fil pour me dire que j’étais pris en C.D.D. J’étais super fier de moi pensant que j’avais quand même un peu de talent.
En fait j’en ai reparlé au directeur de studio quelques années après, et il a dit qu’il m’avait sélectionné parce qu’il était tombé sur mon rapport de stage et que les dessins l’avaient fait bien marrer et il s’est dit : De celui-là, on en fera quelque chose ! Comme quoi…
Creajol : Ton moment préféré dans la production d'un jeu ?
Quand je reçois le fax ou le mail qui m’informe que le jeu a été validé par Nintendo ou autres.
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