Portrait d'un entrepreneur, Guillaume Descamps

Guillaume Descamps, jeune entrepreneur, creative director et executive producer à l'époque où il rédigeait ces réponses, a bien voulu répondre à nos questions sur son métier. Bienvenue dans la Série des Portraits de Creajol !

" « Ne laissez pas votre passion pour le jeu vidéo vous rendre aveugle ». J’entends souvent les gens parler de l’industrie du jeu vidéo comme d’un milieu de passionnés où c’est dur de bien gagner sa vie. C’est faux ! Il suffit juste de ne pas rentrer dans ce « jeu ». "

Creajol : Bonjour, merci de nous accorder ces quelques pensées !

Bonjour à vous et merci de me donner quelques minutes de votre temps pour me lire. :)



Creajol : Qui es-tu ?

Je m’appelle Guillaume, j’ai 24 ans et je travaille suivant les projets comme creative director ou executive producer sur différentes plateformes de jeux (DS, Wii, PC, PS3, …).

[NdCreajol: Ce portrait fait partie des interviews publiées début 2009 sur le blog d'origine, et par la suite migrées sur le site dédié Creajol. Par conséquent, il s'agit plutôt d'une retrospective !]

 

Creajol : En quoi consiste ton métier ?

Suivant les projets, j’occupe 2 rôles qui sont quasi 2 extrêmes. Je peux donc passer d’un projet à l’autre de Docteur Jekyll à Mister Hyde.

Le creative director est, pour caricaturer, l’enfant gourmand et passionné de l’équipe. Il a pour rôle de pousser au maximum le contenu et les mécaniques de jeu du projet pour en faire le meilleur divertissement possible. Durant toutes les étapes de la production, il doit s’assurer que la direction et la qualité du jeu correspondent bien à l’objectif fixé à la signature du jeu. On compare donc souvent le creative director au poste de réalisateur dans le cinéma.

De l’autre côté, l’executive producer est le diable qui « stresse » l’équipe créative. Il doit s’assurer que le projet est dans les temps, que la qualité souhaitée est au rendez-vous et que le budget n’est pas dépassé. Il travaille en forte relation avec le creative director et l’art director pour les calmer dans leurs ardeurs de vouloir toujours rajouter des fonctionnalités supplémentaires au jeu.

C’est très enrichissant de pouvoir jouer ces deux rôles. On comprend mieux les obligations du collègue qu’on a en face de soi.



Creajol : Est ce qu'il s'agit d'une passion ?

Je joue comme 99% de ceux qui font partie de l’industrie du jeu depuis mon enfance mais je ne suis pas focalisé sur les jeux vidéo. Je suis plus passionné par le divertissement en général. A côté du jeu vidéo, je travaille dans différentes industries. Je suis par exemple auteur d’une série d’animation pour la télévision actuellement en développement. C’est donc beaucoup de travail mais j’adore pouvoir m’exercer dans différents domaines créatifs. Et j’ai la chance d’avoir une petite amie extraordinaire qui me laisse passer beaucoup de temps à travailler.



Creajol : Professionnellement, quel est ton plus grand souhait ?

Je lance actuellement mon propre studio de développement, j’espère que 2009 sera sous le signe de la réussite. La crise financière tombe mal, zut… :)



Creajol : Que dirais-tu aux gens qui rêvent de travailler dans le milieu ?

J’aurais 3 conseils à leur donner…

Tout d’abord, je leur dirais : « Ne laissez pas votre passion pour le jeu vidéo vous rendre aveugle ». J’entends souvent les gens parler de l’industrie du jeu vidéo comme d’un milieu de passionnés où c’est dur de bien gagner sa vie. C’est faux ! Il suffit juste de ne pas rentrer dans ce « jeu ». Personnellement, je gagne très très bien ma vie et je ne pense pas être une exception dans le milieu. Donc si vous êtes par exemple un programmeur ayant un bac+5 et qu’une SSII est prête à vous payer X euros par mois, il n’y a aucune raison que vous gagniez 0.7X euros par mois dans le jeu vidéo. Il faut savoir ne pas se « prostituer » juste par passion car de nombreuses personnes essaieront d’en profiter. Rentrer dans ce jeu ne fait que baisser les salaires de l’industrie.

Ensuite, n’oubliez pas que le jeu vidéo est international. Donc si vous n’êtes pas content de la manière dont vous êtes traités et que voyager ne vous dérange pas, tentez de partir aux Etats-Unis, canada, UK, … Dans tous les cas, découvrir des façons différentes de voyager ne peut être qu’enrichissant pour vous et votre CV.

Enfin, faites attention de ne pas trop vous fermer de portes. Vous ne passerez peut-être pas toute votre carrière pour diverses raisons : familiales, fatigue, disparition du jeu vidéo (ça peut arriver un jour ^^), … Donc difficile de retrouver un travail dans un autre secteur si vous n’avez qu’un diplôme de game design en poche… Pour ma part j’ai commencé comme game designer avec juste le baccalauréat. Puis j’ai décidé de passer des diplômes d’informatique à la fac tout en travaillant à côté (consultant game design, level design, écriture de cinématiques, …). J’ai donc une maitrise (bac+4) d’informatique qui peut être ne me servira pas forcément dans le futur mais au moins j’aurais quelque chose sur le cv en cas de besoin. Je compte d’ailleurs dès que j’aurais moins de travail passer un bac+5 toujours à côté de mon job. Tout ça pour vous dire, pensez intelligemment à votre avenir ! Pas la peine de se presser à arriver dans les jeux, vous allez bosser jusqu’à 60 ans donc vous n’êtes pas à 3-4 ans… ^^



Creajol : Qu'est ce qui t'inspire ?

Oula, question difficile ! Pour ma part, je pense que l’inspiration vient de tout et n’importe quoi sans qu’on s’en rende compte. De moments passés avec ses proches, de délires avec sa petite amie, de choses qu’on voit dans la rue, à la télévision, au cinéma, dans un jeu, … Tout ça fait une petite tambouille dans le cerveau et on va piocher dedans inconsciemment quand on crée.



Creajol : Tu joues ? Qu'est ce que ça t'apporte ?

Là, ça ferait sans doute hurler pas mal de créatifs mais je ne joue quasi pas, par manque de temps… Pourtant j’ai toutes les consoles à la maison et beaucoup de jeux encore sous cellophane qui font le bonheur de mes amis par contre, vive les économies pour eux. :) J’essaie de tester un peu le jeu, de regarder les vidéos sur des sites comme gametrailers puis de consulter les forums pour recueillir les sensations des joueurs, ce qu’ils ont aimé, détesté, ce qu’ils auraient espéré en plus, etc.

Mais promis, dès que le prochain jeu de Fumito Ueda sort, je me prends une semaine de vacances !



Creajol : Un avis sur l'industrie du jeu vidéo ?

Oui bien sur… MAYDAY ! :)

Depuis quelques temps [NdCreajol : en 2009], les éditeurs ont la folie des grandeurs et je pense que beaucoup ont été dépassés par la situation réelle. Ils ont produit des tonnes de jeux, quitte même à s’auto-concurrencer. Il suffit de voir le marché Nintendo DS où chaque éditeur sort 5 à 15 titres visant la même cible à la même période, c’est fou. Ils n’ont même plus besoin des jeux des autres éditeurs pour se mettre des bâtons dans les roues et se rendre compte que les jeux sont finalement restés en rayon.

Il y a eu une longue période où les jeux « gamers » représentaient le mal : beaucoup d’investissement pour un « petit marché » par rapport à la taille du marché grand public. Donc fallait produire du casual en masse. Mais comme on visait des gens qui avaient peu de connaissance en qualité d’un produit, on pouvait se permettre de sortir du jeu bâclé ou sans réel intérêt ludique. Tout ceci a amené à une saturation du marché « grand public » et il y a eu de nombreuses claques prises durant la fin de l’année 2008. Après tout c’est normal qu’un casual n’achète pas plusieurs titres par mois comme un passionné…

2009 sera sans doute l’année de restructuration pour rééquilibrer les choses. Les rayons en magasin ne sont pas extensibles à l’infini donc ça ne sert à rien de trop produire si il n’y a pas de place en rayon. Mais ceci implique aussi que de nombreux studios vont boire la tasse, faute de projets à développer… :(



Creajol : Un avis sur ton avenir dans le jeu vidéo ?

A titre purement personnel, j’aimerais voir mon avenir dans un genre différent. Je suis très intéressé par le travail de Michael Stora, psychologue, utilisant le jeu vidéo pour travailler avec les enfants souffrant de troubles psychiques. Ça me plairait beaucoup de pouvoir concevoir des jeux, en collaboration avec des personnes comme lui, qui seraient pensés « spécialement » pour eux.



Creajol : Ton moment préféré dans la production d'un jeu ?

J’aime beaucoup bien sûr quand le jeu sort en magasin et que les gens donnent de leur argent et de leur temps pour y jouer. Mais j’aime peut-être encore plus le moment où les 1ers détails du jeu sont dévoilés au public… Car on peut alors voir sur les forums comment les gens imaginent le jeu avant même d’y jouer. Ça peut confirmer qu’on est parti dans la bonne direction ou alors nous donner un coup de pied aux fesses en se disant : « Oula, j’espère que ça les décevra pas car on est pas dans cette optique ». Il peut même arriver de faire quelques modifications suite à la lecture de ces forums…

Source : http://fr.linkedin.com/in/guillaumedescamps

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