Portrait d'un directeur artistique, Benoît Ferrière

Benoît Ferrière, gérant & directeur artistique freelance, a bien voulu répondre à nos questions sur son métier. Benoît s'étant prêté au jeu trois ans plus tôt, vous retrouverez ici son témoignage. Bienvenue dans la Série des Portraits de Creajol !

" Après 8 ans dans le milieu, j’avoue avoir eu envie de freiner parfois, de me reposer, de faire autre chose. Le dessin est un domaine épuisant, éreintant. Pas physiquement, mais psychologiquement, repartir chaque jour sur une nouvelle image qui te montre à quel point tu n'arrives toujours pas à atteindre la justesse, la grâce que tu recherches. Et puis tu pars, ailleurs, n'importe où, pour nous ce fut le Japon. Et là tu redécouvres l'envie, de passer ta vie à faire des traits, à jouer avec l'émotion des gens, pour essayer de faire vivre aux autres par ta main, ce que tu vis toi par tes yeux. "

 

Creajol : Tu nous as confié ton portrait il y a quelques années, merci pour ce nouvel aperçu !

Merci à toi :) J'espère trouver quelque chose, du moins une ou deux choses, nouvelles à dire, après ces trois années.


Creajol : Quel métier exerces-tu actuellement ?

Toujours gérant de ma société (avec l'école en plus désormais) et directeur artistique freelance.


Creajol : Tu peux revenir sur ton parcours durant ces trois ans ?

Je vais commencer par le plus intéressant certainement, l'expatriation durant un an, au Japon. Une aventure qui m'a changé et que j'ai partagé avec ma moitié qui m'a emmené là bas. C'était un sacré saut dans le vide, des expériences incroyables et un renouveau total chaque jour.
Après 8 ans dans le milieu, j’avoue avoir eu envie de freiner parfois, de me reposer, de faire autre chose. Le dessin est un domaine épuisant, éreintant. Pas physiquement, mais psychologiquement, repartir chaque jour sur une nouvelle image qui te montre à quel point tu n'arrives toujours pas à atteindre la justesse, la grâce que tu recherches. Et puis tu pars, ailleurs, n'importe où, pour nous ce fut le Japon. Et là tu redécouvres l'envie, de passer ta vie à faire des traits, à jouer avec l'émotion des gens, pour essayer de faire vivre aux autres par ta main, ce que tu vis toi par tes yeux. Autant dire que ce n'est pas gagné.


Je me cherche toujours autant qu'il y a trois ans, mais je comprends mieux où aller. En tant que freelance et en tant que gérant. J'ai envie de plus d'indépendance encore, moi qui était déjà installé en Corse, loin de tout, qui travaillait le plus souvent en télétravail. Faire plus de projets Indies, finir mon premier livre, un jeu également avec un ami et autres aventures à long termes. Mais pour cela je suis actuellement en discussion pour de nouveaux postes, en interne, à l'autre bout du monde, afin d'avoir une assise et du temps libre, du vrai temps libre en dehors du travail. Chose que l'on à que très peu en freelance, il faut toujours soit travailler, soit démarcher. Un poste en salarié pourra ainsi me donner de nouvelles expériences, de nouveaux challenges, que j'espère surmonter avec bonheur. Un poste qui pourra me donner peut être plus de temps pour ma vie en dehors, et mes projets personnels qui reste trop dedans :)
Fatigué de déménager, mais grisé par l'aventure de repartir une fois de plus dans une nouvelle culture. On est rentré il n'y a même pas deux ans et pourtant on à déjà la bougeotte. Il faut qu'on reparte.


J'ai, en fait, atteint l'étape où j'en suis au "pourquoi dessiner ?", une question qui s'étend sur toutes mes activités et mes projets depuis ces dernières années. Et je veux donc me recentrer, ne pas oublier mes rêves d'enfants quand je voulais faire ce métier avec mon meilleur ami. Une grosse partie de mon travail en tant que Freelance est d'essayer de faire quelque chose de beau et de vendeur avec les idées des clients. J'aimerai maintenant passer à l'étape de faire quelque chose de vrai et d'intense et non pas de juste recherché l'efficacité ou le marketing. Et en restant freelance à temps plein, c'est vraiment pas évident.


J'ai compris que jamais personne ne me dira "fais ce que tu veux, je te donnerai l'argent pour et tu pourras montrer ce que tu vaux". Ca peut paraitre stupide, mais quand on est freelance, et surtout DA, on est amené à être payé pour faire des choses selon son propre goût et ses propres choix. Donc à force on finit par se dire qu'un jour on pourrait être DA sur des projets qui nous ont fait vibrer et laisser une vraie marque. Mais en fait, même à haut niveau, on est toujours coincé. Par les financiers, le marketing, ses propres capacités, etc.


Du coup la seule et unique possibilité pour faire quelque chose de personnel, c'est de se bouger. Jour après jour, tout seul. Sans attendre le contrat miraculeux, le jeu ou le film dont on a toujours rêvé. C'est tellement rare en réalité... en fait je ne connais personne qui a eu la chance de travailler sur des films ou des jeux AAA et qui a vraiment pu y prendre du plaisir librement. Il y a toujours tellement d'impératifs et de soucis de rentabilité que ce n'est pas possible. Et tant bien même que Spielberg ou Jackons vous contacte demain, il a sa vision des choses, et vous devrez vous y coller. C'est génial mais ça n'a rien de personnel. Le travail en groupe permet de grandes choses, mais limite aussi sur certaines. En ce moment j'ai envie de repartir un peu à contre sens, faire des choses seul ou à deux. Mais continuer de profiter du groupe dans ma société et dans les missions freelance évidemment.


Creajol : Si tu as relu ta précédente interview, qu'est ce qui a changé pour toi ?

Je ne l'ai pas relu, je ne préfère pas en fait. Je préfère penser à aujourd'hui.


Creajol : A présent, que penses-tu du milieu du jeu vidéo ?

Sûrement la même chose qu'à l'époque. Le meilleur comme le pire. J'ai toujours eu de la chance, mais je connais de nombreuses personnes qui souffrent beaucoup au quotidien, qui ne trouve pas assez de missions, ou qui vivent mal leur travail en interne. Il y a aussi tous les entrepreneurs privés qui n'arrivent pas à s'en sortir face aux grosses industries. Il faut vraiment beaucoup de chance et de travail pour en vivre.


J'ai la chance de pouvoir allier la liberté du freelancia, l'expérience du travail personnel, ou je ne suis que le maillon d'une chaine bien plus grosse et le fait d'être gérant d'une entreprise qui compte de nombreux artistes. Ainsi je peux comprendre les deux visions de l'industrie, la partie créative et la partie administrativo-financière. C'est enrichissant et chaque côté permet de garder les pieds sur terre et d'amener un peu de sagesse. Je pense ne pas traiter mon équipe comme les autres dirigeants, et je pense ne pas être un freelance tout à fait normal non plus, de part la compréhension que j'ai de l'économie autour du jeu vidéo. Je me laisse moins marcher sur les pieds, mais je sais qu'il ne faut pas non plus assassiner les petits gérants qui font ce qu'ils peuvent pour faire tourner leur boite et vendre leurs jeux.


Creajol : Qu'est ce que tu admires ?

La capacité de certaines personnes à émouvoir les autres, à leur donner envie de changer, à leur faire comprendre d'autres cultures, etc. Je pense par exemple à Disney. C'est quand même fou le pouvoir de dessins les uns derrières les autres qui peuvent te scotcher, te faire chialer comme ça.


On le retrouve aussi dans la musique, le cinéma, la littérature et le jeu vidéo évidemment. C'est pour ça, et uniquement pour ça que je suis dans ce milieu. Atteindre le niveau qui touchera réellement les gens.


Creajol : Comment est ce que tu crées ?


Actuellement j'essaie surtout de faire du "beau". Un peu comme en design, en mode, etc. C'était mon créneau également pour m'améliorer techniquement, essayer de faire beau. C'est mon plus gros défaut à long terme. Je vais essayer de plus aller vers le vrai, le sensible, raconter quelque chose. Comme en cuisine, faire du beau ne suffit pas, il faut que ce soit bon ensuite :)


Creajol : Quels sont tes meilleurs outils de travail ?

Thé, musique et Photoshop pour la plupart du temps !
Ensuite j'utilise les softs 3D (3DS, Maya, Zbrush) de FX/motion design (After) d'anime 2D (Flash) et niveau communication : Gmail et Skype en priorité.

Creajol : Une idée de jeu qui te fait rêver ?

Je suis dessus ! Logo, artworks et gamedesign avancent bien. Je pourrais sûrement en parler bientôt. Je travaille dessus avec un ami.

Creajol : Autre chose ? :)

Si je n'avais qu'une chose à dire sur le milieu du travail. C'est : faites n'importe quoi, mais faites le bien. Devenez le ou l'un des meilleurs, et quelque soit le domaine ou la niche dont il s'agit, si vous êtes bon la dedans, et que vous aimez réellement ça, vous allez en vivre, et en vivre bien. Vous surmonterez tous les soucis, tous les moments difficiles et vous aurez du plaisir chaque jour, assez d'argent pour être serein et un équilibre que peu de gens ont dans leur vie. Essayez vraiment d'allier votre passion à votre métier. Ne lâchez rien.

Source : www.benoitferriere.com

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